L’automne est la saison de la nostalgie mentale et filmique. Que faire quand les températures chutent et que la pluie nous chasse des terrasses ? La solution est et sera toujours dans les films (selon moi en tout cas) mais, en regarder de nouveaux ? Quelle idée ! Reregardons plutôt ceux que nous avons déjà vus douze ou treize fois !
C’est grâce à ce motto qui ne fait pas avancer ma culture cinématographique que je peux aujourd’hui vous parler de Vous avez un mess@ge ou, dans son titre original You’ve got mail. Pour notre point-information obligatoire, ce long-métrage romantique est sorti en 1998, il est réalisé par Nora Ephron (à qui l’on doit les scénarios du Mystère Silkwood, de Quand Harry rencontre Sally ou la réalisation de Nuits blanches à Seattle, Julie & Julia, etc.)
Il faut savoir que ce film est également l’adaptation d’une pièce de théâtre : La parfumerie de Miklos Laszlo, et que son histoire a déjà fait l’objet de deux adaptations auparavant. Ernst Lubitsch a réalisé The Shop Around the Corner (en noir et blanc, avec James Stewart) en 1940 et sept ans plus tard, Robert Z. Leonard a réalisé Amour Poste Restante (qui, malgré un casting enrichi de Judy Garland et Buster Keaton, n’est pas une révolution du cinéma !)

You’ve got mail © Warner Brothers
Cette corvée de la connaissance filmique passée, nous voilà donc menés au résumé du film. Il est très simple. Kathleen (Meg Ryan) et Joe (Tom Hanks) échangent anonymement par mail et développent des sentiments sans se connaître. Pourtant, dans la vraie vie, ils sont concurrents en affaire car Kathleen tient une petite librairie pour enfants que Joe travaille pour une chaîne immense dont une des succursales vient de s’installer juste à côté.
Comme on peut s’y attendre, avec un tel duo, ce film est une formidable comédie romantique. Là où, quelques années plus tôt, Nuits blanches à Seattle offrait une ambiance similaire (très années 1990, tout ce dont on a besoin en ce moment) mais trop peu d’évolution des personnages, You’ve got mail comble toutes mes attentes. Au cours des quelques deux heures du film on voit Kathleen et Joe s’attirer, se détester, devenir amis envers et contre tout… Le film ne se limite d’ailleurs pas à leur conflit premier et il est délicieusement plaisant de les voir lutter pour dépasser ce point névralgique. Ceci est permis par un audacieux choix du scénario qui fait de ce film un peu plus qu’une romance gentillette.
En effet, l’opposition première des deux personnages au sujet de leurs librairies respectives lance une problématique qui est toujours actuelle : la mise en danger progressive des petits commerces par les grosses firmes. Le film ne cherche d’ailleurs pas à traiter ce sujet avec légèreté puisqu’une véritable guerre est lancée par les protagonistes entre deux citations issues du Parrain. C’est une source de souffrance pour Kathleen comme pour Joe et un sérieux obstacle à leur relation (pas juste un prétexte pour avoir de chouettes scènes de prise de bec et un ennemies to lovers.)

Par ailleurs, même si avec la même actrice, Quand Harry rencontre Sally est beaucoup plus plébiscité, il y a ici une réflexion intéressante sur l’amour et le travail et l’opposition des valeurs. Comment aimer une personne dont on ne respecte pas la vision ? Comment pardonner à quelqu’un qui bouleverse notre vie dans le pire des sens ?
Si éventuellement le dénouement du film offre une solution au personnage « vaincu » professionnellement, il n’apparait en rien comme une solution souhaitable. Cela dit, qu’il y ait une « victoire » et une « défaite » à cette guerre des librairies est beaucoup plus plaisant que si on terminait sur un statu quo ramollo. Il est même impressionnant que l’on continue à soutenir la relation amoureuse une fois tout cela survenu.
En somme, et parce que je veux aller me coucher avec la conviction que j’aurais poussé quelques personnes à regarder ce film avec moi, Vous avez un mess@ge n’est pas une simple romance. C’est un film avec des personnages enrichis par leurs échanges épistolaires à la fois profonds et adorablement désuets qui n’hésite pas à mettre le doigt sur des thèmes sociétaux intemporels. Il donne certes envie de passer une saison à New York ce qui n’est financièrement pas des plus intelligent, mais aussi de développer des relations par mail et de chercher de la poésie dans le quotidien. C’est ça après tout, ce qui en fait un film parfait pour le mois de septembre. Par leurs échanges de pensées douces et futées, Kathleen et Joe nous donnent envie d’avouer à d’autres nos réflexions futiles et poétiques sur le monde. Et, si un film peut permettre de percevoir le quotidien avec une poussière d’émerveillement en plus, il vaut selon moi vraiment la peine d’être visionné.

« Don’t you think the daisies are the friendliest flowers? »