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Drag Race France

Il y a peu de chose que j’affectionne autant que la phrase « It’s time to Lipsync, for your life ! » (à savoir, « il est temps de faire un playback pour votre vie ») J’aimerais pouvoir la prononcer au quotidien et que d’un seul coup le monde s’anime de spotlight et de paillettes. Je dirai « Don’t fuck it up » (« ne merdez pas ») et la boulangère se lancerait dans une danse endiablée sur un tube de Madonna tandis que le boucher, son concurrent direct, pleurerait pour du faux en faisant le grand écart. Dans mes rêves les plus fous, une drag queen m’apprend enfin à utiliser cette petite éponge en forme de plug avec laquelle certaines youtubeuses étalent leur fond de teint et mon copain me laisse lui faire un tuck, juste pour voir. Bref, je suis fan de Rupaul’s Drag Race.

Commençons par le niveau zéro, le niveau noob, le niveau « je n’ai jamais regardé Rupaul’s Drag Race, de toutes façons j’ai pas Netflix et en plus je parle pas anglais. »
Drag Race (pour faire court) est un programme de téléréalité mettant en compétition un casting de Drag Queens dont la gagnante reçoit un prix, et le droit de se baigner dans une marée humaine d’admirateurs. La première saison date de 2009 et, forcément, comme tous les produits de consommation irrésistible, vient des Etats-Unis. Depuis, l’émission a tellement grandi qu’elle en est devenue tentaculaire, elle possède des franchises dans plusieurs pays du monde et se décline dans des versions alternatives : les All Star avec des candidates ayant déjà concouru, épisode de Noël, épisode en stand alone où d’anciennes candidates relookent des célébrités, et j’en passe.

Drag Race France ©  FranceTV

Vous atteignez donc le niveau 1 du spectateur impromptu qui trébuche à l’entrée de l’empire de Rupaul et ne sait pas par où commencer.
La version française de Drag Race est faite pour vous. Diffusée depuis fin juin sur FranceTV chaque jeudi à 20h et sur France 2 les samedis en pleine nuit (l’heure de sortie des Drag Queens), la toute première saison de Drag Race France propose tout ce que sa grande sœur américaine à en stock sans rougir. Les épisodes se découpent généralement en trois parties : le mini-challenge (un petit défi rigolo pour lancer la journée), la maxi-challenge (des épreuves variées pour tester les talents colossaux des candidates) et un défilé final où les Drag Queen deviennent des Miss Univers en puissance.

Vous êtes au niveau cinq de la fanbase, vous avez vu les saisons américaines et n’êtes pas encore totalement prêts à regarder la version française, vous hésitez mais vous avez quand même lu tout mon blabla précédent pour faire bonne figure.
Je ne m’attendais moi-même pas à un aussi bon niveau. Les USA, avec leur bling bling, leurs pluies de billets verts et leur drama à chaque coin de salle, ont un don pour faire sentir les programmes français le camembert et le Christian Clavier. Pourtant, les dix candidates de cette première saison sont époustouflantes et notre gouvernement pourra même se féliciter dans son compte-rendu annuel d’avoir hébergé la première Drag Queen à barbe de la franchise. Les éléments les plus emblématiques de la version originale sont là pour ravir les spécialistes et séduire les petits nouveaux et à chaque épisode les participantes sont au rendez-vous. Même les traductions des phrases symboliques de Rupaul ne sonnent pas si mal !

Niveau 22, on ne l’a fait pas à vous, vous avez tout vu, tout vaincu et vous voulez que je spill the tea.
Il y a des mauvaises herbes sur les plus vertes collines et, comme toutes les versions, Drag Race France a aussi ses points faibles. En premier, je n’ai pas été réellement convaincue par le jury. Niveau mode, ils sont irréprochables et j’apprécie le côté humain de Nicky Doll qui fait une présentatrice/juge/conseillère très attachante, mais les retours de Daphné Bürki et Kiddy Smile me laissent parfois comme deux ronds de flan. Comme toute bonne française, j’ai d’abord crié au complot, à une écriture en amont de l’émission puis petit à petit, le canon de mon fusil a quitté les juges et s’est posé sur les monteurs. C’est la première fois de toute ma carrière de spectatrice Drag Race que je vois des lipsync si mal montés avec des plans larges lorsqu’on voudrait voir les bouches des candidates et des images des juges à la place de la performance. Rapidement, je me suis demandée si ce montage n’était pas aussi la cause de ces éliminations que je trouvais totalement injustifiées ou des reproches qui avaient l’air de tomber de nulle part, mais qu’on avait peut-être formulés déjà une fois ou deux, sans qu’ils atteignent l’épisode fini. Avec un casting d’aussi bon niveau, je n’ai rien d’autre à reprocher (hormis peut-être de calmer un petit peu la xénophobie apparente, parce que ça fait tâche dans mon article.)

Drag Race France © Jean Ranobrac – FranceTV

Dans cette saison, il n’y a presque rien qui m’ait déçue. J’ai adoré le Snatch Game et le musical en hommage à Mylène Farmer, les reines se sont plus que défendues dans les défis coutures. On a vu pour la première fois de la franchise (encore !) des Drag Kings être invités dans l’émission et les invités avaient de quoi faire rêver. Durant la course, je me suis particulièrement attachée à Elips qui n’aura malheureusement pas la place que je lui réservais dans mon cœur, et à Paloma qui était ma seconde favorite. Chacune à leur manière, elles ont révélé l’art qui est derrière le drag et dont beaucoup ignorent l’immensité. Globalement, j’ai trouvé attachante chacune des candidates et aucune n’avait de rôle de filler queen (telle qu’on nomme les candidates peu marquantes qui sont rapidement éliminées dans la version américaine), j’aimerais beaucoup revoir Lolita Banana, qui a été largement boudée au cours de la saison, dans une autre franchise.

En attendant donc le lancement ce soir de la finale, je vais faire un point sur toutes les bonnes choses qu’offrent chaque jour les Drag Queens sauvages de France et d’ailleurs. La manière dont elles célèbrent la féminité et encouragent l’originalité. La façon aussi, dont elles font preuve de force face aux regards pas toujours bienveillants qu’on porte sur elles. Les messages qu’elles véhiculent et la beauté qu’elles glorifient. Tout ça, plus bien sûr les death drop, les perruques poudrées, le scotch sur les tempes, le rouge à lèvres qui doit être trop chiant à essuyer, les collants superposés, les tailles tellement de guêpe que je me demande comment elles respirent, le show, les paillettes, la gloire et les EVJF à surmonter, les concepts, les reveals, les piques bien lancées, les podiums, les talons de trente centimètres de haut qui font des femmes magnifiques de deux mètres vingt, les clins d’œil, la culture, les faux roulages de pelle qui me font toujours tellement rire, les slip du pit crew.

Bref. Toutes ces couleurs-là, si elles ne vous donnent pas un peu envie de regarder ce show et qu’à la place vous restez devant le Persuasion de Netflix, moi je sais pas quoi faire.

Nicky Doll en détresse face aux gens qui regardent quand même Persuasion et pas Drag Race France ©  FranceTV

Mes saisons préférées : Saison 6 – Saison 9 – Saison 11 – Saison 13 – All Star 3 – All Star 7 – Drag Race France Saison 1

Mes Drag Queen préférées : Paloma – Jinkx Monsoon – Bendelacrème – Sasha Velours – Rosé – Gigi Goode – Yvie Oddlie – Katya – Elips – Manila Luzon – Max – Lemon – Michelle Visage

Il y a dans le monde tellement de Drag Queens qui me rendent heureuse sans le savoir !

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