Film

Meryltober #1

Bonjour, bonjour ! Je suis très en joie de vous retrouver aujourd’hui car cela signifie que le Meryltober a enfin commencé ! Les articles du Meryltober seront formés d’une petite introduction (que voici) suivie des parties pour chacun des films visionnés durant la semaine (quatre ou plus) de cette manière si vous n’avez pas encore vu un film vous pouvez facilement repérer la partie à sauter en attendant de l’avoir fait. Je risque de spoiler un peu, alors surtout n’hésitez pas à passer certains passages ! A la fin je ferai une petite conclusion et la photo mise en avant sur l’article sera issue du film que j’ai préféré ou que j’ai trouvé le plus beau visuellement, voilà. Je dois dire que je ne suis pas peu fière de ma sélection pour cette première semaine que j’ai voulue variée, et grâce à laquelle j’ai découvert deux films de Mike Nichols, un film culte et que Jeremy Irons portait bien les rouflaquettes. En soi, que du bonus !

Le Mystère Silkwood, Mike Nichol, 1983
Le Mystère Silkwood, Mike Nichols, 1983

J’ai ouvert le Meryltober avec Le Mystère Silkwood de Mike Nichols et quel départ ! Comme j’ai placé les films chronologiquement de semaine en semaine, je dois dire que j’avais un peu peur de tomber parfois sur des histoires un peu datées. C’est très présomptueux de ma part de penser ça sachant que je regarde assez peu de films des années 70-80 et je suis bien contente que (pour cette sélection tout du moins) rien ne m’ait paru trop vieilli. J’ai bien entendu tout regardé en VO, dieu me garde de toute forme de doublage urticante.
Basé sur la vraie vie de Karen Silkwood, travailleuse du nucléaire et surtout lanceuse d’alerte, le scénario du Mystère Silkwood nous offre à mon sens tout ce qu’on pourrait rêver de voir. D’une part une vie personnelle riche pour des personnages bien développés, des interrogations sur les activités de l’usine, des doutes et des questions, des moments engagés mais aussi des instants sensuels, des passages légers, pfiou, que demande le peuple (à part un plan sécurité maximum pour les travailleurs du nucléaire ?). L’un des plus gros point forts du film est son incroyable casting : Meryl Streep en rôle titre, Kurt Russell et Cher forment un trio que l’on pourrait et voudrait voir dans la vraie vie. Tous trois collègues et colocataires possèdent une alchimie vraiment très magnétique, il suffit de vingt minutes de visionnage pour être plongé dans l’Amérique ouvrière des années 80, ses galères et ses jours sans lendemain. J’ai été épatée par de nombreuses scènes et plans très esthétiques (mon préféré étant celui que j’ai mis ici qui est vraiment trop beau). J’ai l’impression que cet avis va être très décousu mais il pourrait tout aussi bien être une liste de chose que j’ai aimées dans un film dont je n’attendais à la base pas grande chose (plaisir de ne pas lire les résumés avant). L’évolution du personnage principal est d’une justesse incroyable, on passe de l’irrésistible collègue aux charmes sans pareil à la militante fragilisée dans ses relations mais forte de convictions. Le duo Streep/Russell fonctionne parfaitement bien dans ce sens car là où la jeune femme s’enflamme dans ses certitudes, son amant s’alarme du danger du combat dans lequel elle se lance et de la stérilité potentielle de celui-ci. De tous les duos de la semaine c’est sans doute celui que j’ai préféré et je me demande même si les films de la semaine prochaine sauront le détrôner. Pour sa part Cher, en femme de ménage du nucléaire homosexuelle (et envoûtante dans son jeu sans fioriture) ne laisse pas de marbre. J’ai par ailleurs adoré la scène où Karen et Drew découvre qu’elle a passé la nuit avec une femme et ont pour échange quelque chose comme :
– « Moi je ne vois aucun mal à cela.« 
– « Moi non plus. »
– « Alors, pourquoi est-ce qu’on en parle ?« 
Parce que d’un côté si de nos jours on espère bien ne pas s’attacher à des personnages homophobes, à l’époque les mentalités avaient encore du retard parfois et ça me fait apprécier ce passage gratuit, un peu léger, nullement moralisateur, qui souligne que Dolly Pelliker fait bien partie de la famille que compose cet étrange trio.
Comme je l’ai dit plus tôt, il y a trop de choses que j’ai aimé dans ce film, la situation familiale de Karen en premier, son statut de mère à distance sans qu’elle soit présentée comme une mauvaise mère, son côté un peu dragueur, ses crises, j’ai totalement accroché à la construction du personnage de la même manière que j’ai aimé la construction du personnage de Rachel dans l’autre film de Mike Nichols de la semaine. Il y a quelque chose en elle qui nous donne envie de douter avec elle et d’essayer à notre tour survivre aux griffes crochues qui se referment sur ceux qui font entendre leur voix dans une société où les plus petits n’ont souvent pas droit à l’expression.

La brûlure, Mike Nichols, 1986
LA BRÛLURE, MIKE NICHOLS, 1986

Ce qui est bien quand on ne sait pas du tout à quoi s’attendre pour un film parce qu’on n’a regardé ni la bande annonce ni le résumé c’est qu’on peut vraiment être surpris, ce qui est un peu moins bien c’est quand avec les vibes de l’affiche on s’attendait à Quand Harry rencontre Sally et qu’on se retrouve plutôt avec Kramer contre Kramer. Je dois dire qu’avec La Brûlure, second film de Mike Nichols de la semaine (j’étais motivée par le visionnage du premier, je pense que vous l’avez compris), je m’attendais à une petite comédie sympathique. Résultat des courses, même dans un film centré sur une histoire d’amour, Jack Nicholson est toujours aussi terrifiant. Si Karen et Drew du Mystère Silkwood étaient indéniablement rattachés à la classe ouvrière, Rachel et Mark sont issus d’un milieu plus aisé. Tous deux journalistes, ils se rencontrent et tombent sous le charme l’un de l’autre, la première partie film se concentre sur le début de cette relation et l’épanouissement progressif de leur couple. Cette partie est particulièrement plaisante à voir car elle rompt scénaristiquement avec le traitement classique de la romance. Le premier baiser des deux protagonistes se perd dans une foule d’inconnus, leur cérémonie mariage se résume à une série de conversations hilarantes entre la future mariée frileuse et ses invités qui essayent de la convaincre de sortir de la chambre où elle s’est recluse, seul le début de leur vie familiale apparait comme idyllique, en particulier pour Rachel. Malheureusement ce bonheur ne pouvait pas durer et bien vite le personnage de Meryl Streep découvre les mensonges de son mari. La brûlure est en vérité l’histoire de la mort d’un couple, ou du moins de son combat pour ne pas mourir. Très prenant (aux tripes) il m’a fallut plusieurs jours pour savoir si j’avais ou non réellement apprécié mon visionnage. La conclusion est que oui, il s’agit d’un très bon film que je recommande, mais que je n’étais pas forcément dans le mood pour le regarder à ce moment là. On subit cette tragédie avec Rachel dont les hauts et les bas, l’espoir et les déceptions sont incarnés à la perfection par Streep. Dans le rôle du salop notoire Nicholson se défend très bien par ailleurs, et l’envie de le frapper ne m’aurait pas quittée si je n’avais pas eu si peur de lui (son pouvoir réside dans la courbe de ses sourcils), une de mes scènes favorites du film, et sans doute la plus tragique, a lieu à la maternité lorsqu’enfin Mark se rend compte de ce qu’il a perdu. Au cours des deux accouchements du couple on découvre deux ambiances totalement différentes, lors du premier ils paniquent, la scène donne globalement envie de s’arracher l’utérus pour être sûre de ne jamais la vivre, mais l’amour est là, la joie est là, la famille se forme. Lors de l’accouchement qui leur offrira leur second enfant, l’ambiance est glaciale, il n’y a plus de connexion entre les deux époux car la trahison a tout brisé et si tout ressemble à un exercice de routine, il n’y a rien de plus tragique que de se dire que l’accueil d’une nouvelle vie se fait par deux êtres brisés. Ce passage est vraiment mon préféré du film, d’un seul coup Jack Nicholson qui était resté si froid et intolérablement pragmatique fond en larmes et on voit qu’il a compris ce qu’il a tué.
Petite info bonus pour ne pas finir sur la dépression : une toute jeune Mamie Gummer (aka, la fille ainée de Meryl Streep qui avait dans les 18 mois à l’époque du tournage du film) est visible dans le film sous un pseudonyme, elle joue le premier enfant de Rachel et Mark et est tout bonnement adorable. Sans doute le fait d’interagir directement avec sa mère ne lui donnait pas l’impression de jouer.
Un film que je recommande, surtout si votre conjoint.e a niqué votre mariage !

Voyage au bout de l’enfer, Michael Cimino, 1978
VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, MICHAEL CIMINO, 1978

On m’a présenté Voyage au bout de l’enfer (ou The deer hunter en version originale, ce qui semble beaucoup moins dramatique quand même) comme un des grands classiques du cinéma américain. Personnellement je l’ai surtout choisi car Meryl Streep y tient un de ses premiers gros rôles sur un long-métrage mais il faut dire que même si je ne suis pas forcément le type de cinéphile de films de guerre (peu importe laquelle, pas de jalouses) je dois admettre que c’était un bon visionnage. On retrouve un casting au poil avec Christopher Walken qui passe de délicieux à terrible, John Cazale pour qui c’était le dernier film (il décèdera en effet d’un cancer avant la sortie du film en salle) ou Robert de Niro qui m’a sincèrement motivée à faire un De Niroût cet été. J’ai lu notamment que Meryl (qui étincèle dans le film) avait elle-même écrit certaines de ses répliques. Malgré tout, c’est vraiment de Niro qui a capturé mon regard du début à la fin. Le développement de son personnage, qui, aux côtés d’amis mentalement plus faibles, doit affronter la guerre du Vietnam et ses horreurs est tout simplement parfait. Car bien que l’on présente le film comme un classique du film de guerre il représente plutôt les traumatismes et conséquences que les conflits en eux-mêmes. Ici, bien sûr, on retrouve un grand nombre de scènes choquantes, mais on se rend compte en réalité que même si la balle n’est pas tirée on ne sort jamais vraiment indemne de la roulette russe. C’est ce que le personnage de Mike joué par De Niro expérimente peut-être le plus car en plus des traumatismes -qui certes ne l’ont pas touché aussi durement que ses camarades- lui doit aussi continuer avec la culpabilité du survivant. A la fois sauveur et victime de la guerre, l’histoire de Mike (et de ses amis Nick et Steve) est clairement découpée en trois parties dans le film.
Dans la première partie on retrouve des garçons (pas encore des hommes) fougueux et naïfs excités à l’idée de bientôt devenir des héros de guerre. Sur les trois heures du film cette partie peut paraitre excessivement longue mais toute cette liesse (notamment l’interminable séquence du mariage de Steve) souligne très bien cette idée d’une semi-conscience du danger. D’un côté les personnages ont une idée lointaine de l’enfer qui les attend, de l’autre ils rêvent encore de boire jusqu’au bout de la nuit, rien n’a vraiment de conséquences dans cette partie, même les disputes et les bagarres ne sont rien de plus que des raisons de râler un peu.
La seconde partie arrive sans crier garde et nous plonge sans préambule dans les horreurs de la guerre. On retrouve un Mike a moitié mort dans une pile de cadavre et on assiste à la réunion des trois amis qui, malheureusement pour eux, ne sera un événement joyeux que pour une très courte durée. L’expérience de la guerre faite ici n’a rien de patriotique et on ne parle plus des héros qu’ils auraient cru devenir, tout se fait à hauteur d’homme et plus aucune action ne semble avoir de conséquences. Ces passages sont crus et seule la présence de Mike apporte du réconfort à la fois au spectateur et aux personnages. Tous ont déjà à moitié perdu la tête mais on a envie de croire ce meneur de bande qui dit que tout va s’arranger, il a presque un côté deus ex machina en lui-même et entre le sang et les entrailles il semble être le seul à croire.
L’après est synonyme de vide et on ne peut que contempler les dégâts que la guerre a fait même au sein des foyers américains. Le retour au pays n’a rien de glorieux car au lieu d’être un soulagement, il s’impose comme une sorte de non-vie, toute l’insouciance du début a été annihilée au combat.
C’est dans sa dureté que m’a fait voyager le film et il est encore un peu difficile pour moi de donner un avis sans passer par plus de maturation (et potentiellement plus de visionnages mais je ne m’en sens vraiment pas le courage pour le moment). Quoi qu’il en soit c’est absolument un film à voir, qu’il dure trois heures ou non, vous avez regardé des séries pourries sur Netflix qui étaient huit fois plus longues que ça alors pas d’excuses ! En attendant je retourne fredonner Can’t take my eyes off you et seuls les plus braves sauront pourquoi.

La Maitresse du Lieutenant français, Karel Reisz, 1981
LA MAITRESSE DU LIEUTENANT FRANÇAIS, KAREL REISZ, 1981

Le dernier film visionné cette semaine était une adaptation d’un roman de John Fowles, celui-ci s’intitulait Sarah et le lieutenant français et a permis la naissance d’un film nommé La Maitresse du Lieutenant Français (ce qui laisse présager ce que Sarah a bien pu faire avec le dit lieutenant). Une seconde de silence pour commémorer ce titre qui en VO reste un sage The French Lieutenant’s Woman alors que dans le film on appelle allégrement l’héroïne « The French Lieutenant’s whore » ce qui, on peut le dire, sonne moins élégant. Le résumé du livre est tel que suit : A Lyme Regis, ville côtière du Sud-Ouest d’une Angleterre du XIXème siècle, une jeune femme du nom de Sarah Woodruff est tenue au rebus de la société pour une relation qu’elle aurait entretenu avec un étranger quelques temps plus tôt. Charles Smithson, un géologue londonien sur place pour demander en fiançailles la fille d’un riche marchand, s’éprend de cette femme solitaire dont certains disent qu’elle a été manipulée, et d’autres qu’elle est trompeuse. L’un des attraits principaux de cet ouvrage publié en 1969 est la présence exponentielle de son narrateur dont le point de vue est bien contemporain à l’époque d’écriture et qui, lors de l’achèvement de l’histoire propose trois fins distinctes entre lesquelles le lecteur peut choisir.
La difficulté ici, vous le comprenez bien, est de mettre en images tout ça. On sait déjà que la transposition d’un narrateur du roman à l’écran est ce qu’il y a de plus complexe (et on accepte que tout le monde ne s’en sorte pas aussi bien que Rob Reiner avec Princess Bride). Plutôt que d’offrir telles qu’elles ces trois conclusions, le duo Karel Reisz (à la réalisation) et Harold Pinter (à l’adaptation) ont fait un virage total : ils ont décidé qu’une partie de l’histoire serait contemporaine et que l’autre se déroulerait bien à l’époque du film.
Ainsi, Meryl Streep joue à la fois une actrice, Anna, qui interprète elle-même le rôle de Sarah Woodruff (sans qu’on n’est forcément la mise en costume ou la préparation, on passe juste d’une époque à l’autre). L’histoire de Sarah et de Charles se déroule pour la première partie (et pour ce que j’en sais) d’une manière très similaire à celle du récit initial. Mais à celle-ci s’ajoute la relation adultère des deux personnages contemporains Anna et Mike (joué Jeremy Irons dont c’est le premier gros rôle de cinéma). Anna et Mike nous permettent d’avoir quelques informations sur la société dans laquelle se déroule l’aventure de Sarah et Charles mais aussi de comprendre les fins potentiellement multiples. Par là, le film semble se construire petit à petit pendant qu’on le regarde car si le scénario d’époque semble relativement immuable, les deux acteurs des années 1980 paraissent, eux, dans une tentative de changer l’inéluctable.
Je le consens, tout ça est un peu compliqué mais je vous assure, c’était aussi complexe au visionnage. Meryl Streep considère d’ailleurs sa performance pour ce film comme l’une des plus faibles de sa carrière. Je l’ai personnellement trouvée magnifique dans le rôle de la femme perdue dans son époque et la rupture entre l’américaine Anna bien dans son corps et la victorienne Sarah née à la mauvaise période était saisissante. On dit toujours que Meryl se coule dans chaque personnage qu’elle joue et parvient à nous faire oublier qui elle est et c’est d’autant plus frappant quand deux rôles différents se trouvent dans le même film !
Si ce n’est pas mon film préféré de la semaine je respecte tout de même ce long-métrage pour lequel Streep sera pour la première fois nommée meilleure actrice pour un rôle principal aux Oscars, prix qu’elle gagnera l’année suivante grâce au Choix de Sophie et qu’elle manquera de rafler l’année encore après avec le Mystère Silkwood (chose que je ne peux que plussoyer de toutes mes forces) En bref, un vrai grand chelem pour le début d’une carrière incroyable dans laquelle j’ai hâte de creuser encore !


J’espère que vous avez appréciée la sélection de la semaine, dites moi si vous vous avez pu regarder des films bonus (en plus !) et n’hésitez pas à repasser sur mon article initial pour vous remémorer les titres des films futurs. Je vous retrouve bientôt pour un prochain article et sur les réseaux sociaux si vous avez envie de papoter ! Promis, un jour je vous donnerai mes secrets pour un binge-watching parfait !

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